Les forums de discussion, ces lieux d’échange et
de discussion sur un thème donné (Journal Officiel du 16 mars 1999), se
multiplient sur Internet.
Les internautes disposent de cette
tribune virtuelle pour échanger des idées, des informations voire des
fichiers de manière interactive et rapide.
Ces forums ont pour
mot d’ordre : liberté d’expression. La liberté d’expression est un
principe constitutionnel défini à l’article 11 de la Déclaration des
Droits de l’Homme et du Citoyen du 10 août 1789. Il s’agit de « la libre
communication des pensées et des opinions est un des droits les plus
précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer
librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas
déterminée par la loi ».
Cependant de nombreux débordements ont
pu être constaté sur Internet. En effet, outre des propos illicites
contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, de plus en plus
d’internautes en profitent pour régler leur compte via les forums de
discussion : ils mettent en ligne des propos diffamatoires et injurieux à
l’encontre d’une personne déterminée ou déterminable.
Il ne fait
plus aucun doute depuis la loi sur la confiance dans l’économie
numérique du 21 juin 2004, qu’en plus des publications dans la presse
écrite et audiovisuelle, les publications sur Internet et notamment les
messages diffusés sur un forum de discussion à accès restreint ou non
sont soumises aux dispositions de la loi sur la presse du 29 juillet
1881.
Or, la loi sur la presse condamne expressément et
sévèrement la diffamation et l’injure, qu’elles soient publiques ou non.
Un
petit rappel s’impose : La diffamation, prévue à l’article 29 du 29
juillet 1881, est définie comme étant « toute allégation ou imputation
d’un fait portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la
personne ou du corps constitué auquel le fait est imputé ».
L’injure,
précisée à l’alinéa 2 du même article, s’entend de « toute expression
outrageante, termes de mépris ou invective qui ne referme l’imputation
d’aucun fait ».
L’intention de nuire de l’auteur de la
diffamation ou injure est présumée. L’infraction de diffamation n’existe
et n’est punissable que le si le fait diffamatoire a fait l’objet d’une
publicité, c’est-à-dire a été porté à la connaissance du public par
tous moyens. La publicité est caractérisée car le message diffamatoire
ou injurieux est mis en ligne et accessible à plusieurs personnes via le
forum.
Internet est un moyen de communication qui permet en un
simple clic la modification ou la suppression des propos illicites.
Etablir la preuve d’une diffamation ou injure dans un forum de
discussion est donc parfois difficile. Par ailleurs, il ne faut pas
oublier que les infractions « de presse » se prescrivent par trois mois à
compter de la diffusion du message diffamatoire ou injurieux (article
65 de la loi du 29 juillet 1881).
Que peut donc faire la
personne victime d’une injure ou d’une diffamation dans un forum de
discussion on-line ? Et plus précisément quels moyens de preuve
dispose-t-elle pour confondre l’auteur de tels propos illicites ?
Il
est tellement facile de faire disparaître les preuves sur Internet que
la première chose à garder à l’esprit est d’agir et réagir vite.
En
l’espèce, il s’agit de prouver un fait ; la preuve s’effectue donc par
tous moyens.
Voici la marche à suivre lorsqu’une personne
découvre des propos diffamatoires ou injurieux dans un forum de
discussion on-line et désire constituer des preuves pour poursuivre
l’auteur de l’infraction:
1. Enregistrer ou
imprimer la page Web incriminée Il s’agit de la
preuve la plus facile à effectuer par la personne victime d’un message
diffamatoire ou injurieux dans un forum de discussion. Il est nécessaire
de garder une trace électronique de l’infraction avant que cette
dernière ne soit effacée.
Mais quelle sera la force
probante de cette preuve ? Le juge pourra-t-il s’y fier lors de la
poursuite de l’auteur de l’infraction ?
Il faut savoir que
les preuves électroniques depuis la loi du 13 mars 2000 et du décret
d’application du 31 mars 2001 sont acceptées et ont la même force
probante que les preuves écrites. L’article 1316-1 du Code civil
dispose, en effet, que « l’écrit sous forme électronique est admis en en
preuve au même titre que l’écrit sur support papier, sous réserve que
puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit
établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir
l’intégrité ».
L’article 1316-3 du Code civil précise que «
l’écrit sur support électronique a la même force probante que l’écrit
sur support papier ».
Il en est de même pour la signature
électronique prévue à l’article 1316-4 : la signature doit permettre
l’identification de la personne, l’intégrité de l’acte, la fiabilité du
système.
Le fait d’enregistrer la page Web sur laquelle se
trouvent les propos diffamatoires ou injurieux pourra constituer un
commencement de preuve mais n’aura pas une force probante indiscutable.
Son intégrité pourra être mise en jeu.
En général, les
personnes sur les forums utilisent un pseudonyme ; leur identification
est donc difficile.
Par ailleurs, une page Web enregistrée
sur support électronique ou imprimée peut avoir été préalablement
modifiée.
2. Etablir un constat par un huissier ou par
un agent assermenté de l’Agence de la Protection des Programmes La deuxième démarche possible pour poursuivre l’auteur d’une
injure ou d’une diffamation est de faire établir un constat par une
tierce personne.
L’huissier est un professionnel du droit
qui peut se rendre sur le forum de discussion et enregistrer la page
Web.
Le constat d'huissier de justice va contenir à la fois
des mentions authentiques (date et immatricule de l'huissier de
justice) qui valent jusqu'à inscription de faux et des mentions où sont
décrites les constatations matérielles qui valent à titre de simples
renseignements (article 1 de l'ordonnance du 2 novembre 1945). Mais ces
renseignements et l’enregistrement de la page Web sera une preuve
établie par un professionnel du droit impartial, objectif.
Cette preuve est donc plus « objective » que la simple preuve effectuée
par la victime.
Le constat par huissier, pour être reconnu
comme preuve par le juge, doit respecter les règles de validité. La
victime de la diffamation ou injure ne doit en aucun cas intervenir lors
de l’établissement du constat qui est établi par l’huissier seul (TGI
Paris, 4 mars 2003).
Le recours à l’Agence de la Protection
des Programmes est vivement conseillé. En effet, ces agents assermentés
sont habilités à constater les infractions dans les lieux publics mais
surtout sur Internet.
Ils peuvent ainsi établir la preuve
et la conserver. Cette dernière est reconnue par le juge.
Elle permet d’établir l’infraction et sa remise est plus difficile. La
personne qui a établi le constat est un professionnel qui engage sa
responsabilité s’il ne respecte pas la loi.
3.
Contacter le responsable du forum ou le modérateur La personne diffamée ou injuriée dispose d’un droit de réponse sur le
forum. Elle a donc la possibilité de demander, dans les trois mois de la
diffusion du message litigieux, au responsable du forum de mettre en
ligne sa réponse. Ce droit de réponse va lui permettre de faire valoir
ses droits mais n’établit qu’une preuve indirecte de l’infraction
constatée.
La personne diffamée ou injuriée peut contacter
le responsable du forum pour l’informer de la présence desdits propos.
Dès lors que le responsable a connaissance effective, il a tout intérêt à
agir promptement pour faire cesser cette diffusion afin de ne pas voir
sa responsabilité civile et pénale engagée (article 6 de la loi sur la
confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004).
Une
fois informé, le responsable du forum a tout intérêt à ôter le message
injurieux ou diffamatoire. Ce message n’est plus en ligne mais ce n’est
pas pour autant qu’il n’existe plus. En effet, le responsable du forum a
l’obligation de conserver les données relatives aux contributeurs du
forum. Comme le souligne la loi sur la confiance dans l’économie
numérique en son article 6, les prestataires techniques sont tenus de
conserver des données permettant l’identification des personnes auteurs
de propos illicite.
Par ailleurs, les forums acceptent
rarement que des personnes anonymes accèdent à ce lieu d’échange. Le
risque est trop grand car il faut garder à l’esprit que le responsable
du forum, l’éditeur du site Web sera tenu pour responsable et pourront
être déclarer coupable de complicité.
Le responsable du
forum prévenu pourra ainsi garder les informations et le contenu des
messages pour les transmettre par la suite à l’autorité judiciaire qui
lui en fera la demande.
4. Porter plainteAvec
les preuves précitées, une action pénale est possible.
L’article
48-6° de la loi du 29 juillet 1881 précise que dans le cas de
diffamation envers des particuliers…et dans le cas d’injure…, la
poursuite n’aura lieu que sur la plainte de la personne diffamée ou
injuriée ».
Une fois la plainte formulée, une enquête pourra être
ouverte pour permettre notamment l’identification de l’auteur de la
diffamation ou l’injure. La police ou la gendarmerie aura la possibilité
de rechercher les preuves de l’infraction.
L’auteur pourra être
identifié grâce à son nom d’utilisateur et login enregistré sur le forum
ou grâce à son adresse IP. Les hébergeurs et les fournisseurs d’accès
ne sont, en effet, pas tenus au secret professionnel, ils ont
l’obligation de fournir les informations permettant l’identification de
la personne qui a commis l’infraction. Des fournisseurs d’accès
octroient des adresses IP fixes qui permettent une identification plus
rapide que les adresses IP aléatoire grâce au DHCP. Dans tous les cas,
il est désormais possible de connaître la personne qui s’est connectée à
telle heure via telle adresse IP.
Par ailleurs, une action
civile est également envisageable.
Une assignation en référé est
une bonne solution pour faire cesser le trouble en urgence et obtenir
des dommages et intérêts pour le préjudice subi.
De plus, une
décision du 5 mai 2004 a précisé que le Tribunal de grande instance (et
non le Tribunal d’instance) était compétent en matière d’action civile
pour diffamation et injure sur Internet. Il a été déclaré qu’au regard
de la loi du 1er août 2000, Internet constituait un moyen de
publication. La notion « par voie de presse » visait également les pages
disponibles sur le Réseau. Le Tribunal de grande instance est compétent
pour juger des actions civiles engagées en matière de diffamation et
d’injure sur Internet.
Avec la loi sur la confiance dans
l’économie numérique, les services de l’Internet, qualifiés de
communication au public en ligne, sont concernés par les dispositions
relatives à la communication audiovisuelle.
Un message diffusé
sur Internet et notamment dans un forum de discussion constitue bien une
publication par voie de presse.
Que le forum de discussion soit à
accès restreint ou non, les messages diffamatoires ou injurieux sont
sanctionnés par la loi.
L’auteur de la diffamation ou de l’injure
peut à ce titre être poursuivi et puni par la loi.
Vous voilà
prévenus...
source:AVOCAT ONLINE